Tous à vélo ?

Le vélo est sur toutes les lèvres, ou plutôt sous toutes les semelles : après le boom historique constaté dans les mois post-pandémie, les chiffres de fréquentation des pistes cyclables retrouvent des échelles plus modestes mais la tendance reste claire. Londres enregistre en 2022 une progression de 18% par rapport à 20191 . En France, les ordres de grandeur sont similaires avec une fréquentation en hausse de 13% par rapport à 2021, et 41% par rapport à 20182 , même si ces chiffres masquent une disparité toujours bien présente entre les zones urbaines, périurbaines et rurales.

Si l’engouement pour un mode de déplacement actif et décarboné semble être mondial, force est de constater que l’adoption varie fortement selon les territoires. Rien qu’en Europe, la part modale du vélo varie de 1% au Portugal à 27% aux Pays-Bas3 . Derrière cette hétérogénéité de situations, un ensemble de facteurs permettent d’expliquer la progression à plusieurs vitesses mais nous en retiendrons un qui les englobe tous : l’insuffisance des infrastructures cyclables existantes et d’un écosystème vélo cohérent, attractif et sécurisé, intégrant son stationnement.

Une enquête mondiale4 réalisée en 2022 par IPSOS auprès de plus de 20 000 adultes dans 28 pays met le doigt sur le frein principal à l’essor de la bicyclette : 52% estiment que rouler à vélo est trop dangereux dans les conditions actuelles. Et ce alors même que les bénéfices du vélo (contribution à la décarbonation, villes plus apaisées, décongestion du trafic, mode de vie plus actif) sont bien intégrés.

Le développement du vélo est directement corrélé à la volonté politique et à la pertinence des politiques publiques qui l’accompagnent. Alors que les premiers plans nationaux datent du début des années 90 en Europe et que l’ONU enjoint chaque année les gouvernements à développer les mobilités actives, seuls 14 pays de la zone pan-européenne ont à ce jour mis en place des politiques nationales concernant le vélo5.

En France comme en Angleterre, le pouvoir politique s’est pourtant saisi du sujet : le Plan Vélo & Marche vise un objectif de 80 000 km d’aménagements sécurisés en France d’ici 2027 et une part modale à 9% d’ici 20246 ; en Angleterre, le gouvernement a réservé un budget de 2 milliards de livres pour développer le vélo et la marche à pied d’ici 20257 , et a créé une autorité dédiée, Active Travel England, depuis 2022.

Comment accompagner cette dynamique et assurer au vélo un avenir sans obstacles ?

1 Travel in London, report 15, Transport for London, Décembre 2022 https://content.tfl.gov.uk/travel-in-london-report-15.pdf

2 Analyse des données de fréquentation cyclable 2022, Vélo & territoires, Juin 2023 https://www.velo-territoires.org/wp-content/uploads/2023/06/Rapport_PNF_2022.pdf

3 European Cyclists’ Federation, cycling data https://ecf.com/cycling-data

4 Cycling across the world, IPSOS, Mai 2022 https://www.ipsos.com/en/global-advisor-cycling-across-the-world-2022

5 The State of National Cycling Strategies in Europe, European Cyclists’ Federation, Décembre 2022, https://ecf.com/files/reports/state-national-cycling-strategies-europe-second-edition-2022

6 Plan Vélo & Marche 2023-2027, Gouvernement, https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/23100_DP-Plan-velo-2023.pdf

7 Gear Change, Department for Transport, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/904146/gear-change-a-bold-vision-for-cycling-and-walking.pdf

Conviction #1 : Accompagner la gouvernance

De la campagne nantaise aux berges de la Tamise, le vélo progresse quand sa gouvernance est claire et forte. Prolongeant une volonté nationale non équivoque, c’est un savant ruissellement de responsabilités, de compétences et d’engouement qui est nécessaire, l’échelon le plus local étant généralement celui en charge de concrétiser les grandes ambitions. Et dans ce maëlstrom de gouvernance, le rôle d’une ingénierie est plus que jamais d’aider ces acteurs à calibrer leurs réseaux et à trouver les solutions les mieux adaptées.

Les bords du canal du midi à Toulouse

En France, l’impulsion nationale donnée par les plans gouvernementaux de 2018 puis 2023 s’est traduite par une vraie dynamique régionale : l’État, par la voix de ses régions, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Île-de-France, Grand Est, entend faire des mobilités actives des leviers de développement.

Mais c’est véritablement aux niveaux communal, intercommunal et métropolitain que les plans prennent corps. SYSTRA a par exemple accompagné les métropoles de Lyon ou Nantes à différentes étapes de leur planification (études prospectives de mobilité puis schéma directeur stationnement à Lyon dès 2018, identité visuelle et signalétique du réseau actuellement). Plus au sud, dans l’agglomération toulousaine, c’est l’autorité organisatrice des mobilités, Tisséo Collectivités, qui donne le LA de la conception du Réseau Express Vélo (REVe), auquel SYSTRA est associé depuis plusieurs années.

D’autres initiatives vélo se rencontrent au détour de projets de tramway, comme à Bordeaux, Villejuif ou Tours, ou à l’occasion de projets plus larges de mobilité (élargissement du pont Anne de Bretagne, création de la passerelle mobilités douces de Rouen, pôle d’échanges multimodal de Cagnes-sur-Mer, sous MOA SNCF).

Conviction #2 : Convaincre grâce à la data

Quelle que soit la géographie, dans des environnements contraints où chaque m2 d’espace public doit être intelligemment utilisé, le vélo ne peut faire l’impasse de justifier son utilité, et il doit encore souvent faire ses preuves pour convaincre grand public comme autorités. Les modèles historiques ne sont que très peu adaptés car ils ne savent pas bien prendre compte l’impact des mobilités actives. Charge aux ingénieries donc de mieux outiller les politiques cyclables par des modélisations adaptées, prenant en compte les facteurs propres au vélo : sécurité, confort, niveaux d’efforts, types de pratique, stationnement, bénéfices économiques, socio-économiques, aspect convivial et ludique propre à ce mode de déplacement, etc.

À l’exemple du Royaume-Uni, le vélo peut être une question éminemment politique. Le développement du vélo et des mobilités actives s’y fait à plusieurs vitesses selon l’échelon et les forces en place. En Irlande, l’arrivée des Verts au pouvoir a été suivie d’un vrai élan en matière de politique cyclable. Même chose en Écosse ou au Pays de Galles, avec, comme ailleurs, de grandes disparités tout de même entre les milieux urbains, périurbains et ruraux. Le sujet est souvent instrumentalisé lors des élections locales, où les problématiques de transport sont un enjeu partisan entre les « pro » et les « anti », qui voient dans le développement du vélo un mouvement anti-voitures. Face à une opposition aussi forte qu’organisée, les municipalités sont demandeuses de données et d’études concrètes sur les bénéfices de ces mobilités douces, pour faire avancer leurs plans de manière plus fluide.

Le rôle d’une ingénierie comme SYSTRA est donc de venir en appui de ces volontés et de leur fournir les outils nécessaires à l’acceptabilité de leurs projets. SYSTRA UK a aussi su adopter une approche « quick win » pour proposer des solutions faciles et rapides à mettre en œuvre puisque rien ne convainc mieux que la preuve par l’exemple.

L’exemple australien représente un degré supplémentaire dans le travail de conviction que le vélo doit encore faire. Sur l’île-continent, pas de volonté ou de plan national : l’engouement et l’implémentation sont locaux ou ne sont pas. Le millefeuille administratif confie le développement et la maintenance des réseaux cyclables aux municipalités, et le financement à l’échelon des États. Dans un pays aux dimensions hors normes, la voiture s’est imposée comme seule capable de transporter d’un point A à un point B. Mais les mentalités évoluent, notamment suite au Covid et face aux réalités du changement climatique. Certaines municipalités sont d’ores et déjà convaincues et bien en avance sur le développement des mobilités actives, comme à Sydney ou à Wollongong.

Sécurité, praticité, intermodalité, le vélo doit encore faire ses preuves pour réveiller les consciences et capter l’attention des élus locaux. Data, modélisation, et quantification des bénéfices, font la différence, à en croire les récents succès récoltés par SYSTRA chez le voisin néo-zélandais.

Pour cela SYSTRA a développé, Cyclops, un outil innovant permettant de mieux quantifier les coûts et bénéfices de nouveaux schémas cyclables. Trop souvent cette quantification se concentrait sur les coûts associés au vélo (congestion routière, augmentation des temps de trajet en voiture, et perte des espaces de stationnement) en oubliant de mettre en avant tous les bénéfices qui en découlent tels que l’apaisement des espaces urbains, des temps de parcours inferieurs à la voiture et mieux maîtrisés, une réduction des émissions de Co2, ou encore une meilleure forme physique et mentale pour ses usagers. L’outils Cyclops permet de calculer ces avantages et de mieux les mettre en avant lors des études préliminaires commandées par les autorités de transports et les municipalités.

Par ailleurs, que ce soit pour la voiture, la marche à pied ou les vélos, on planifie ce que l’on sait mesurer, ce qui joue en défaveur des modes actifs puisqu’il existe peu de comptages et modèles pour ces modes doux, contrairement au réseau routier où bon nombre de capteurs et modèles complexes existent pour mesurer (et ainsi développer) l’usage de ce réseau. Notre approche permet de mieux rééquilibrer la tendance et d’apporter au vélo les outils dont il a besoin pour rattraper son retard et justifier sa place dans notre espace public.

Avec son approche intégrée, depuis la modélisation et le design jusqu’au monitoring, SYSTRA est capable de proposer un accompagnement complet aux opérateurs de mobilité. L’apport de la donnée est essentiel, mais encore faut-il savoir la mobiliser au bon endroit : au Royaume-Uni, SYSTRA a par exemple accompagné Transport for London dans le dimensionnement de son offre de stationnement vélo, ou Transport Scotland dans l’étude de ses schémas de financement. La révélation des lignes de désir cyclables est une opération complexe. Le vélo ne se limite pas à la modélisation de lignes. Puisqu’il doit justifier de son empreinte sur la route, il doit être considéré comme un écosystème complet.

Conviction #3 : Un écosystème plus qu’un réseau

Plus qu’aucune autre solution de mobilité, le vélo doit travailler à son intégration. Il peut être d’usage quotidien, de loisir, de tourisme, ce qui nécessite des interactions bien travaillées avec les réseaux existants. Pour être adopté, le vélo doit être pensé en écosystème : si la question des lignes est la plus saillante, pour soutenir le déplacement à vélo il faut aussi penser son stationnement, sa signalétique, sa sécurité, ses services (réparation, entretien, etc.), son insertion dans un schéma de mobilité multimodale, etc. Sans compter que les besoins et les possibles seront très différents selon que l’on intervient en milieu urbain, périurbain ou rural.

Il faut donc être capable de penser TOUTES les dimensions du vélo. C’est là que le rôle de l’ingénierie a peut-être le plus à jouer. SYSTRA a par exemple mobilisé son expertise en matière de financement en Écosse. À Valence, en collaboration avec Copenhagenize, SYSTRA travaille le déploiement des supports de service et du mobilier signalétique du nouveau réseau cyclable. L’intervention peut aussi porter sur la lisibilité et la visibilité des infrastructures pour proposer des plans de ligne et de réseaux. À Lyon, le Groupe a travaillé au schéma directeur du stationnement vélo pour la métropole pour comprendre et quantifier les besoins dans un premier temps puis contribuer à lever les freins et faciliter l’intermodalité dans un deuxième temps.

Parce qu’ils sont le plus souvent associés à des projets plus larges (light rail, tramway, rail, schéma directeur de mobilité), les projets vélo doivent nécessairement être pensés en synergie. Il s’agit de créer des architectures de réseaux de plus en plus complexes, correspondant à des usages de plus en plus hétérogènes, avec de nombreux scénarios possibles et un partage de l’espace de plus en plus délicat à organiser. Comprendre les articulations de gouvernance, mobiliser la donnée pour mieux modéliser et donner à voir les bénéfices réels, être capable de croiser les expertises, le vélo représente un vrai challenge d’ingénierie moderne.

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