Tarification #2 : comment augmenter les recettes des opérateurs de transport public grâce à la tarification ?

Notre série de 5 articles sur la tarification se poursuit avec l’analyse de Chris AYLES, responsable des activités de SYSTRA en Asie du Sud-Est et en Australasie, et de Nicolas SIAUD, planificateur de transport urbain spécialisé dans la planification des transports publics. Ils nous expliquent cette semaine comment les opérateurs de transport peuvent augmenter leurs recettes.

La mobilité servicielle, aujourd’hui désignée sous le terme de Maas, ne pourra se faire sans aborder la question de la tarification des transports, ou plus généralement de la mobilité. Une question qui n’est pas nouvelle mais qui se pose avec encore plus d’acuité dans un contexte de crise sanitaire, avec des opérateurs durement impactés, des comportements d’usagers devenus à la fois plus exigeants et imprévisibles, et une mobilité moins routinière. Dès lors, quelle politique tarifaire adopter ? Comment faire coïncider rentabilité et efficacité, flexibilité et durabilité ? Une politique tarifaire peut-elle être un levier pour gérer l’affluence dans les transports ? La tarification peut-elle agir sur l’urbanisation et la forme de la ville ?

Ces questions, nous les avons posées à nos experts. De l’Australie au Brésil, en passant par l’Asie, le Royaume-Uni et la France, notre réseau international de consultants a travaillé ensemble pour y répondre. Pendant un mois, nous apportons un éclairage sur le sujet, nourri par des expériences locales.

La tarification est essentielle pour l’exploitation des transports publics, car elle constitue une source de revenus importante pour les opérateurs. En outre, l’augmentation ou la diminution du prix du billet ne nécessite pas d’investissement particulier. La variation tarifaire est donc un moyen d’améliorer la fréquentation des transports publics, tout en permettant aux opérateurs d’ d’augmenter leurs revenus à moindre coût. Mais attention  : il est généralement considéré qu’une augmentation des tarifs entraîne une baisse de la fréquentation. Alors, comment augmenter les recettes par le biais de la tarification, sans mettre en péril la viabilité des opérateurs ?   Nos réponses en 7 points.

1. Veiller à ce que les prix des billets correspondent à la volonté et à la capacité de payer 

La tarification des transports publics est bien sûr une question sociale, mais les tarifs ne doivent pas être trop bas, au risque de créer une lourde charge sur les fonds publics au titre des subventions.  À Jakarta par exemple, nous avons réalisé un benchmark sur la tarification et constaté que les tarifs y sont les plus bas d’Asie.  Nous avons également mené une enquête auprès de la population prouvant qu’elle pouvait se permettre de payer davantage.  Cela suggère qu’il est possible d’augmenter les tarifs. A titre d’exemple, à Singapour, les tarifs y sont maintenus bas pour promouvoir l’utilisation des transports publics, mais aussi pour qu’ils soient accessibles à tous.  

2. Fixer des tarifs proportionnels aux revenus 

Proposer un tarif abordable pour les groupes à faibles revenus tels que les étudiants, les personnes âgées, les catégories socioprofessionnelles les plus fragiles et un tarif plus élevé pour les autres, selon la capacité à payer de chaque groupe, est un levier pour augmenter la demande et donc les recettes.

3. Plus de volume = plus de recettes 

Il s’agit d’un principe de base, mais la manière dont la tarification est structurée peut contribuer à attirer les passagers. À Singapour, des tarifs peu élevés garantissent cette accessibilité et contribuent également à la part élevée du transport public. De plus, le système facilite les transferts en faisant reposer la tarification sur la distance plutôt que sur le nombre de trajets.

Des systèmes similaires existent ailleurs, par exemple à Shanghai, où une réduction est accordée dès le deuxième trajet. Cependant, étant donné que ces systèmes tendent à réduire le tarif moyen par trajet lorsqu’un transfert est effectué, soit le prix du billet unique (pour un seul trajet) doit augmenter, soit le trafic total doit s’accroître pour couvrir la perte.

4. Inciter les passagers à utiliser les transports publics

Afin d’encourager les passagers à utiliser plus fréquemment le métro au lieu de la voiture privée ou du taxi, très populaires en Chine, Shanghai Metro offre à ses usagers les plus fidèles une réduction de 10% sur le prix du billet mensuel, une fois que 70 yuans (9 euros) ont été dépensés dans le mois.

5. Faire payer plus cher les services haut de gamme

Les transports ferroviaires offrent un avantage en termes de temps de trajet et de confort, par rapport au bus par exemple. Il est donc raisonnable pour ces modes de transport d’avoir un tarif plus élevé, ce qui traduit également des coûts d’exploitation plus élevés. Ce principe peut également s’appliquer, par exemple, aux services express directs ou à arrêts limités par rapport aux services à arrêts standards.

6. Moduler la tarification selon les heures 

Les systèmes billetiques les plus récents et notamment la dématérialisation permise par le digital permettent de faire varier les tarifs en fonction de l’heure de la journée, comme à Singapour et à Hong-Kong, où des réductions sont offertes pour les lève-tôt se déplaçant vers les zones centrales. De même, les tarifs en dehors des heures de pointe pourraient être plus bas pour encourager la demande et occuper des sièges disponibles.

Les réseaux ferroviaires britanniques sont un cas classique de proposition d’une gamme de prix de billets pour différentes périodes horaires. Même dans les zones urbaines telles que le Grand Londres, les tarifs sont tous plus élevés avant 9h30, puis moins chers après. Cette tarification de pointe permet de maximiser les recettes pendant la période la plus chargée.

7. Adapter la tarification en fonction de la classe/réservation/heure 

Ce type de tarification est plus applicable pour les trajets interurbains, mais il est possible de mettre en place toute une gamme tarifaire pour fixer un prix selon le type de siège (premium, économique, banquette, etc.), selon que le siège est réservable ou non et selon  la date et l’heure du voyage. 

Au final, nous voyons bien que, pour augmenter leurs recettes, les opérateurs de transport ont tout intérêt à moduler leurs tarifs selon les types d’usagers et de trajets. Nos experts SYSTRA sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions sur le sujet !

Rendez-vous la semaine prochaine avec l’article de Sabina KAUARK, Luiza SILVA, Joana NICOLINI et Emilia GUERRA, de SYSTRA Brésil : Comment gérer les pics et les chutes de la demande de transport ? 

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