Pérennisez le potentiel du vélo révélé par la crise sanitaire !

Lorsque les transports publics ne peuvent plus offrir leur capacité habituelle, que ce soit en situation de crise sanitaire ou lors d’une grève, la mise en place de pistes cyclables éphémères contribue utilement au maintien des activités. Mais à notre sens, la stratégie la plus judicieuse consiste à penser ces nouvelles voies cyclables dans un esprit de pérennisation, pour capter aussi une partie des déplacements de courte distance aujourd’hui très largement réalisés avec la voiture particulière.

Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, l’élément déclencheur pour le développement de pistes cyclables temporaires est l’incapacité des transports en commun à remplir leur rôle habituel. La densité dans les transports est totalement incompatible avec les mesures de distanciation sociale préconisées ! Pour limiter au maximum le report vers le transport individuel, les pistes cyclables doivent donc être adaptées à la demande des usagers actuels des transports en commun.

Cependant, si l’objectif à très court terme est d’identifier des aménagements pertinents en situation de crise, il est nécessaire d’avoir une vision plus prospective, et d’identifier les aménagements qu’il sera pertinent de pérenniser afin d’engager un vrai report modal de la voiture particulière vers le vélo. Il s’agit d’un moment important pour le vélo, et de façon plus générale, pour les engins de déplacement personnel, pour démontrer leur utilité et réaliser un « passage à l’échelle ».

Le vélo peut prendre en charge les usagers du transport en commun pendant la crise.
Mais quel est son potentiel pour les territoires et comment l’accompagner, en particulier pour les déplacements de courte distance ?

Les méthodes de modélisation permettent d’identifier efficacement les axes à haut potentiel de concentration des flux cyclables et de réaliser des cartographies parlantes. Nous avons construit une méthodologie permettant d’identifier rapidement des axes cyclables à mettre en place dans les villes, afin d’accompagner les décideurs publics dans leur démarche d’urbanisme tactique, tout en gardant une vision long terme sur la pertinence de ces aménagements.

Appliquée et testée sur l’agglomération nantaise, le principal résultat, qui plaide pour la mise en place d’axes cyclables pérennes et non seulement d’urgence, est que les axes qui ressortent de l’analyse sont relativement similaires dans les deux cas (voir schéma ci-dessous). Les temps de trajet à vélo sont d’une part, bien plus courts que les temps de trajet en transport en commun, et d’autre part, de durée assez similaire à la voiture individuelle – durée qui n’inclut d’ailleurs pas le temps de recherche de stationnement !

Il est possible d’utiliser un modèle existant, ou de développer un modèle simple à partir des données open sources ou rendues disponibles par les agglomérations (enquêtes Ménages déplacements, réseaux…) pour identifier les axes les plus prometteurs pour le développement de pistes cyclables pertinentes et à même de concentrer des flux vélo importants. Un modèle peut aussi être utilisé pour dimensionner des pistes cyclables en intégrant un certain nombre de paramètres (part importante de télétravail pour les cadres, nombre limité de déplacements pour les motifs de loisirs…), ainsi que de mesurer l’impact sur la congestion routière.

Pour répondre à la première problématique, nous avons affecté au plus court chemin la matrice Origine-Destination des déplacements en transport en commun (issue de l’EDGT) sur le réseau routier, sur le territoire de Nantes Métropole. Ces « lignes de désir cyclables » figurent en orange sur la carte ci-dessous.

Si plusieurs « lignes de désir vélo » sont communes avec le tramway et les principaux bus, d’autres seraient en revanche plus utilisées par les cyclistes, notamment : pour des trajets plus directs, au niveau des traversées de cours d’eau, de trajets périphériques, ou de quelques trajets transversaux. L’analyse des temps moyens de trajet montre que le temps de trajet est divisé par 2 pour les trajets réalisés en vélo plutôt qu’en transport en commun.

L’approche intuitive que nous observons dans plusieurs villes, qui consiste à « doubler les lignes fortes de transport », est une bonne première approximation. Mais elle doit être complétée par une analyse plus fine des flux, comme celle que nous allons présenter maintenant.

Pour la « vision long terme », l’approche est d’affecter au plus court chemin la matrice Origine-Destination des déplacements de moins de 5 km et de moins de 10 km aujourd’hui effectués en voiture particulière sur le réseau routier. Bien sûr, il n’est pas réaliste d’imaginer que l’intégralité des trajets réalisés en voiture sont susceptibles de se reporter sur le vélo. L’objet, ici, est bien d’identifier des axes.

Le résultat en image se lit sur la carte ci-après : la charge se répartit plus uniformément sur le réseau que pour les usagers issus des transports en commun, mais un certain nombre d’axes ressortent, plus périphériques et transversaux. Le temps de trajet moyen des usagers passe de 8 minutes en voiture à 10 minutes en vélo pour les trajets de moins de 5 km, et de 11 minutes en voiture à 15 minutes en vélo pour les trajets de moins de 10 km. Ces temps de trajets restent donc tout à fait acceptables !

De l’analyse croisée des deux démarches, ressortent les axes à aménager avec des pistes cyclables larges, susceptibles d’accueillir des flux conséquents de cyclistes à court terme, comme à long terme.

Cette approche permet d’identifier les points « oubliés » du réseau cyclable existant et ainsi de cibler les aménagements à réaliser en priorité, en comparant les flux aux aménagements cyclables existants.

Pour finir, l’impact sur la congestion routière a été mesuré à travers deux scénarios volontairement contrastés : « 1) pas d’action vélo » (tous les usagers des transports en commun se reportent sur la voiture individuelle) versus « 2) forte volonté vélo » (création de pistes cyclables et limitation de la capacité des voiries sur ces axes, report de tous les trajets de moins de 5 km effectués en voiture sur le vélo).

Dans le 1er cas (carte ci-dessous à gauche), on observe une augmentation de la congestion pouvant aller jusqu’à 1000 véhicules supplémentaires à l’heure de pointe sur le tronçon le plus chargé le long de la Loire, et une augmentation moyenne de 10% du temps de trajet en voiture (moyenne sur le département). Dans le 2ème cas (carte ci-dessous à droite), la décongestion est conséquente, notamment sur les voies de contournement (jusqu’à 1800 véhicules en moins sur le tronçon le plus impacté).

La méthode peut être utilisée en parallèle avec d’autres approches, notamment les propositions des associations d’usagers du vélo, et selon les opportunités locales d’aménagement telles que la largeur des rues et la présence de voies avec peu d’intersections.

Les pistes cyclables provisoires sont une opportunité pour construire ou compléter le futur réseau cyclable de chaque territoire. Leur pérennisation reposera sur l’utilité constatée : leur usage.

L’opportunité qui s’offre pour les modes doux est inédite et unique ! Profitons de cette fenêtre ouverte pour trouver des axes et des aménagements qui fonctionnent pour permettre la bascule tant attendue.

Nos modèles peuvent vous aider à réaliser cela.

Pour ne manquer aucune communication SYSTRA, rendez-vous sur les réseaux sociaux !