La participation citoyenne est-elle au service de la transition énergétique ?

Les defis de la participation dans un contexte d’accélération des projets de transition énergétique

De nombreux projets émergent, portés par une urgence à tenir les objectifs de décarbonation et de transition énergétique nationaux et européens (propositions législatives européennes « Fit for 55 », objectif français de neutralité carbone à l’horizon 2050), et la nécessité d’opérer une nouvelle révolution industrielle basée sur trois leviers principaux : l’électrification des usages (qui suppose aussi le renforcement du réseau national d’électricité) ; la capture et séquestration de carbone ; et la substitution de l’hydrogène vert à l’hydrogène gris.

La pression sur les délais de réalisation des projets pose la question de la place donnée à la participation dans leurs processus d’élaboration. La difficulté à remettre en question leur opportunité, directement liée à l’urgence de la transition énergétique, interroge sur ce qui peut véritablement être versé à la concertation, et donc sur le rôle qui peut être donné aux citoyens dans l’élaboration des projets.

Pour autant, la plupart de ces projets connaissent des étapes de participation citoyenne, souvent par obligation réglementaire, bien que la tendance soit à la simplification et/ou à l’accélération sur ce volet également.

Dans ce contexte, les principales difficultés rencontrées par les maîtres d’ouvrage en préparation des concertations sont de plusieurs ordres :

  • Définir les contours de la concertation, les sujets qui lui sont versés et les véritables marges de manœuvre dont ils disposent ;
  • Identifier des objectifs de la concertation utiles pour le maître d’ouvrage et susceptibles de mobiliser les publics ;
  • Intégrer la concertation dans le calendrier du projet de sorte qu’elle puisse véritablement enrichir les décisions et les étapes suivantes sans les freiner outre mesure ;
  • Prendre des engagements suffisamment significatifs, pendant et à l’issue de la concertation, pour tisser un lien de confiance avec les territoires et favoriser un franchissement plus serein des étapes suivantes du projet.

Plusieurs autres limites à la participation sont généralement exprimées a posteriori par les maîtres d’ouvrage, à savoir la difficulté à dépasser la conflictualité systématique en mobilisant des publics plus diversifiés (« toujours les mêmes »), le décalage qu’il peut y avoir entre le dispositif mis en place et le niveau de contributions obtenus (« tout ça pour ça »), et la gestion des impératifs du calendrier.

Pour autant, les maîtres d’ouvrage continuent de trouver un intérêt à la participation citoyenne sur leurs projets, en particulier dans un contexte de transition énergétique. Ils y voient une occasion de présenter des projets complexes et de favoriser leur compréhension par le grand public (à l’exemple des projets de production d’hydrogène vert, de décarbonation de process industriels, de nouvelles productions d’énergie), ce qu’ils perçoivent comme une opportunité d’aboutir à une meilleure acceptabilité des projets dans les territoires concertés. Ils s’en saisissent pour nouer un lien de confiance avec les acteurs du territoire, notamment ceux avec qui ils seront amenés à travailler dans la durée (à l’exemple des maîtres d’ouvrage qui portent plusieurs projets sur un même territoire : RTE, GRTgaz, SNCF Réseau, EDF, Enedis…).

Aussi, nombreux sont les maîtres d’ouvrage qui concertent de manière volontaire alors qu’ils ne sont pas soumis à l’obligation réglementaire.

Dans ce contexte, les maîtres d’ouvrage élaborent avec soin leur stratégie de concertation[1]. Chaque projet s’intègre dans un territoire différent, qu’il convient d’appréhender à travers la réalisation et les mises à jour d’une étude du contexte politique et sociétal, afin de définir la stratégie et les dispositifs de concertation les plus adaptés. Une démarche participative sera d’autant plus constructive et fructueuse que la phase de préparation a été solide et la stratégie établie de manière pertinente et réaliste.

Cas d’usage de concertations préalables volontaires ou réglementaires dans un territoire stratégique de la région PACA, à Fos-sur-Mer et sur l’étang de Berre

La zone industrialo-portuaire (ZIP) de Marseille- Fos est historiquement un lieu de forte concentration d’industries lourdes. Aujourd’hui, la région Sud représente 17Mteq d’émissions de CO2 par an liées à l’industrie manufacturière, soit 24% des émissions nationales. 90% de ces émissions sont émises par 20 entreprises des secteurs de l’acier, de la raffinerie, de la pétrochimie et du ciment.

Selon les estimations présentées en mars 2023 par Capénergies (le pôle de compétitivité « énergies » de la région Sud)[2], le besoin en hydrogène décarboné dans la zone industrialo-portuaire de Marseille-Fos sera de 190 000 tonnes par an en 2030, soit une capacité d’électrolyse de 1,2 GW. Environ la moitié de cette demande sera couverte par des nouveaux projets. Selon cette même enquête, à l’horizon 2040, les besoins dépasseront les 400 000 tonnes par an. Ce bassin représente ainsi 25 % de l’ambition nationale, en raison d’une forte dynamique de projets.

La Région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur a présenté en décembre 2020 son plan régional hydrogène[3] qui fixe quatre priorités : décarboner la mobilité ; décarboner l’industrie ; produire de l’hydrogène renouvelable et bas carbone ; et structurer une filière hydrogène en région Provence-Alpes-Côte d’Azur créatrice d’activité et d’emplois.

Le développement de la filière hydrogène est également porté par :

  • la Métropole Aix-Marseille-Provence, à travers son Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) et son Schéma de Cohérence Territorial (SCOT) ;
  • et le Grand Port Maritime de Marseille, à travers son contrat de transition énergétique et l’ambition du Port Responsable.

La Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur dispose de solides atouts pour participer à l’émergence de la filière : un potentiel d’énergies renouvelables exceptionnel à coupler à la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, une façade maritime regroupant une série d’usages lourds convertibles à l’hydrogène (dont les infrastructures portuaires), des capacités de stockage massif, de nombreux autres usages potentiels, etc.

En complément, deux grands axes de flux, alignés sur le tracé du réseau transeuropéen de transport (RTE-T)[4] offrent la possibilité de structurer une filière avec d’autres territoires limitrophes (région Occitanie, région Auvergne – Rhône-Alpes, nord de l’Italie) et, au-delà, de contribuer à la réalisation et au développement des grands corridors (Méditerranée et Mer du Nord – Méditerranée) à l’échelle européenne :

  • Un axe Nord-Sud : axe de logistique terrestre routier, ferroviaire et fluvial ;
  • Un axe Est-Ouest : axe terrestre et côtier inscrit sur le segment Marseille-Gênes.

L’appui de systra pour relever les défis de la participation dans ce contexte

Les diverses concertations récentes ou en cours sur ce territoire permettent de constater un intérêt et une mobilisation forte du territoire autour des projets de transition énergétique, aussi bien de la part du grand public, que des élus, des acteurs économiques ou des acteurs associatifs du territoire.

Les défis, de ce point de vue, sont nombreux, aussi bien pour le territoire de Fos en général, que pour les porteurs de projets industriels en particulier (H2V, Total Energies, GRTgaz, RTE…) :

  • pour le territoire, le défi clé est celui de négocier à temps et efficacement le virage de sa transformation écologique et énergétique, le tout en conciliant développement des emplois et un cadre de vie préservé et moins pollué pour ses habitants ;
  • pour les porteurs de projets industriels, le défi majeur est de gagner la confiance des riverains et acteurs du territoire et de jouer la carte de la transparence.

Quel que soit le porteur de projet, local ou non, il y a à chaque fois une confiance à construire progressivement avec les acteurs territoriaux et les populations qui vont cohabiter avec l’outil industriel.

A chacune des concertations, l’équipe Concertation déploie une expertise et une méthodologie en faveur de l’appropriation des projets par le territoire et de la cohabitation des usages, pour sécuriser les projets :

  • La première étape, consiste à réaliser une étude de contexte, c’est-à-dire à comprendre le territoire : cela passe par de l’analyse documentaire, mais aussi et surtout par des rencontres et entretiens avec les acteurs territoriaux. Il s’agit de décoder le territoire et sa complexité, évaluer la connaissance et la perception du projet, et les attentes du territoire, pour bâtir le dispositif d’information et de participation qui soit le plus adapté possible. 
  • Concevoir des modalités de concertation adaptées : déployer une stratégie de concertation qui soit utile au projet, adaptée au contexte et ses évolutions, proportionnée aux attentes de la maitrise d’ouvrage et à celles exprimées par les parties prenantes, conforme à la réglementation, etc.
  • Préparer les équipes : définir et porter auprès du public des messages partagés au sein de l’équipe projet, de la maîtrise d’ouvrage et avec les partenaires.
  • Animer les démarches de participation et en assurer la traçabilité : les phases de concertation constituent un temps essentiel et exigeant dans le calendrier de réalisation du projet. Elles doivent tout à la fois permettre au maître d’ouvrage de comprendre les enjeux des acteurs – qu’ils soient favorables ou défavorables au projet – et leur offrir un cadre de dialogue adapté et efficace.
  • Tirer les enseignements : faire le bilan.
  • Evaluer, capitaliser : retour d’expérience, indicateurs.

Des évolutions pour mieux s’adapter au territoire, une première à fos-sur-mer

Les contextes comme celui de Fos-Berre ont contribué à impulser des évolutions législatives et un changement de paradigme pour la participation des publics : ils ont en particulier inspiré une disposition de la loi relative à l’Industrie Verte, promulguée en octobre 2023, en faveur de l’accélération de l’implantation de sites industriels en France. L’une des innovations de la loi est d’autoriser la mutualisation des procédures de débat public ou de concertation préalable, à la demande d’une personne publique sur un périmètre donné et pour des projets connus sur une période de 8 ans. La Commission Nationale du Débat Public peut ainsi prononcer la tenue d’un « débat d’ensemble » ou d’une « concertation globale » qui dispense chacun des projets concernés d’un débat propre ou d’une concertation propre.

Notre métier est de savoir s’adapter à ces évolutions. Nous nous saisissons déjà de ces sujets pour accompagner l’essor industriel des territoires et leurs transitions vers une trajectoire soutenable.


[1] L’équipe concertation de Systra France les accompagne pour cela dans la durée et de manière évolutive, des premières phases de concertation à l’obtention des autorisations, voire à l’étape du chantier.

[2] Constitué en 2005 en région SUD Provence-Alpes-Côte d’Azur, le pôle de compétitivité Capénergies se compose d’un réseau d’acteurs intégrant des grands groupes industriels, des entreprises, des organismes de recherche et d’enseignement ainsi que des financiers.   

[3] Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Plan Régional Hydrogène – Mise en oeuvre de la Mesure 28 du Plan Climat « Une COP d’avance » dédiée au soutien de la filière hydrogène, Décembre 2020, https://oreca.maregionsud.fr/fileadmin/Documents/Donnees/Hydrogene/2020-Plan_Regional_hydrogene.pdf   

[4] Programme de développement de l’Union européenne visant à faciliter la connexion entre les réseaux de transports des États membres, à la fois routiers, ferroviaires, fluviaux, maritimes et aériens   


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