Concevoir des infrastructures compatibles avec le changement climatique

Plus que jamais, l’urgence climatique impose que toutes les infrastructures nouvelles ou modernisées émettent peu de carbone et soient résilientes au changement climatique, en particulier aux phénomènes météorologiques extrêmes. SYSTRA a mis au point des outils d’aide à la décision permettant de développer des projets d’infrastructure qui répondent à ces enjeux. Sofia Fotiadou, Responsable Écoconception du Groupe, apporte son éclairage sur le sujet.

Le réchauffement planétaire induit par l’homme modifie notre climat à un rythme jamais vu depuis des millénaires. Les effets du changement climatique, tels que la hausse des températures, la modification des régimes de précipitations, l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes et l’élévation du niveau de la mer, vont encore accroître la vulnérabilité de tous les types d’infrastructures et d’aménagements.

Il existe un consensus scientifique selon lequel, pour éviter un changement climatique catastrophique, il faut limiter à 1,5˚C l’augmentation moyenne de la température mondiale due aux émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’époque préindustrielle. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), cet objectif est atteignable uniquement si le monde réduit considérablement ses émissions d’ici 2030 et parvient à des émissions nettes nulles vers 2050.

L’urgence climatique exige des infrastructures compatibles avec le climat, c’est à dire compatibles avec la transition bas carbone, ainsi que résilientes aux aléas climatiques.

Pour concevoir, construire et exploiter des infrastructures compatibles avec ces constats, les émissions de carbone et les impacts de la vulnérabilité climatique sur leur cycle de vie doivent être pris en compte dès les premières étapes de la conception. Il faut pour cela utiliser des méthodes de quantification solides.

Pour des infrastructures à faible émission de carbone

Les émissions de carbone se produisent tout au long du cycle de vie d’une infrastructure. Par conséquent, nous devons minimiser les impacts carbone liés à chaque étape : l’extraction et la production des matériaux, leur transport vers le site de construction, toutes les activités du site de construction, la phase d’exploitation et de maintenance et, enfin, la fin de vie et le décommissionnement de l’infrastructure.

La durée de vie d’une infrastructure de transport s’étend sur plusieurs décennies, souvent plus de 100 ans. Néanmoins la majorité des émissions de carbone dépendent largement des décisions prises durant la phase de conception. Il est donc primordial que les concepteurs disposent des informations sur l’impact carbone des solutions qu’ils envisagent, afin de sélectionner et hiérarchiser les solutions les plus optimisées.

Pour répondre à ce défi, nous avons développé CARBONTRACKER, une application web qui peut aider les équipes d’ingénieurs à intégrer le carbone dès les premières étapes de la conception et tout au long du processus de construction d’une infrastructure. L’application est compatible avec une démarche BIM et est spécifiquement conçue pour les infrastructures de transport (chemin de fer/tramway, autoroute, système de téléphérique, etc.), y compris tous les bâtiments connexes (gares, dépôts, installations techniques, etc.).

Futur quai de la gare Union Station en Ontario, au Canada.

Cet outil nous aide à mesurer l’impact carbone à différents niveaux de granularité (éléments de la construction, actifs, projet dans son ensemble), à identifier les points critiques en matière d’émissions de carbone, à effectuer des analyses de sensibilité, à tester des solutions alternatives et divers scénarios de conception susceptibles de réduire les émissions de carbone tout au long du cycle de vie, ainsi qu’à monitorer les progrès accomplis dans la réduction des émissions de carbone du projet. L’ensemble du processus se déroule en temps réel avec la conception afin de faciliter une prise de décision éclairée et de s’assurer que la conception prenne en compte l’impact carbone au même titre que les autres exigences du projet, telles que le coût, la durabilité, la sécurité, les performances techniques, etc.

Lucas Gibaud, ingénieur BIM et Data, est l’un des principaux contributeurs au développement de cet outil.

CARBONTRACKER : analyse d’impact carbone de cycle de vie pour un projet routier en Inde.
CARBONTRACKER : distribution des émissions carbone par type d’ouvrage, ouvrage individuel et type de matériau  pour les travaux génie civil d’une ligne ferroviaire.
Analyse de la maquette BIM par CARBONTRACKER.

Pour des infrastructures résilientes au climat

Les infrastructures doivent aussi être conçues et construites de manière à anticiper et à s’adapter à l’évolution des conditions climatiques. Prendre comme référence les tendances historiques des conditions météorologiques extrêmes pourrait ne pas suffire, car le changement climatique en cours tend à intensifier les événements météorologiques extrêmes.

En outre, l’urbanisation intensive et le manque de planification urbaine dans de nombreuses métropoles du monde créent des microclimats, en raison de phénomènes tels que l’îlot de chaleur urbain, qui sont renforcés par le réchauffement climatique, créant des conditions d’inconfort pour les personnes qui vivent et travaillent dans ces zones, en particulier pendant les saisons où les températures sont élevées.

Pour mieux comprendre les conditions climatiques futures et les risques à l’échelle d’un projet d’infrastructure de transport, nous avons développé un outil cartographique de visualisation des données climatiques, CLIMATEplus, qui permet d’identifier les zones de vulnérabilité de notre zone de projet en termes d’évolution des épisodes extrêmes de chaleur, de précipitations et de vents, à court, moyen et long terme (jusqu’en 2100).

CLIMATEplus : évolution des précipitations extrêmes dans l’aire d’une ligne ferroviaire au sud de la France.

L’outil utilise les données climatiques et les projections du GIEC, qui sont basées sur des scénarios liés aux différents niveaux de concentration de gaz à effet de serre résultant de l’activité humaine dans l’atmosphère. Elles représentent donc les futurs possibles du climat. CLIMATEplus nous permet d’exploiter des bases de données de projections climatiques régionales issues de multiples modèles en interpolant, sur la zone de notre projet, plusieurs indicateurs climatiques pour visualiser leur tendance selon différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre et évaluer ainsi la vulnérabilité de l’infrastructure dans le temps.

Nous avons intégré une fonction supplémentaire à l’outil, afin de cartographier les microclimats au sein des zones urbaines, largement liés à l’effet d’îlot de chaleur. Pour cette fonction, CLIMATEplus importe la température de surface à partir de données satellitaires pour fournir des cartes qui présentent les différents niveaux de températures dans les zones urbaines pendant les jours d’été.

L’outil a été développé avec la précieuse contribution de Robin Goix, consultant en planification des transports et ingénieur en données.

CLIMATEplus : carte des îlots de chaleur à Mirecourt, France (période de référence : juillet 2021).

La longue durée de vie des actifs d’infrastructure signifie que les décisions de conception et de développement prises aujourd’hui entraîneront des émissions de carbone importante et la vulnérabilité climatique des actifs, si la conception des infrastructures ne tient pas compte de ces impacts dès le début. Chez SYSTRA, nous travaillons en collaboration avec nos experts métier pour relever ces défis et concevoir des infrastructures qui contribuent à la lutte contre le changement climatique.

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