Page 27 - Cahier Les futurs du métro
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Projections
1. De la station long terme. Devenue le point de départ de la mise en
au hub multimodal œuvre de la ville innovante, la station porte à une
En 2035, les stations souterraines font peau neuve. autre échelle la traduction d’un nouveau métro éco-
Les traditionnels tourniquets disparaissent. La signa- conçu. Elle prolonge la recherche de l’efficacité éner-
létique personnalisée se généralise grâce à la connec- gétique instaurée sur la ligne avec la récupération de
tivité en temps réel. Une information encore affinée l’énergie de freinage et sa réutilisation systématique
sur la densité des rames, assortie de recommanda- pour alimenter ses activités.
tions de trajets alternatifs, favorise une meilleure ré- Désormais, la station de métro allie esthétique, quali-
gulation des flux. L’usager craint moins le spectre de la té technique et ambitions écologiques élevées. Le
thrombose à l’heure d’affluence. L’accessibilité des zéro déchet fait partie de son ADN, tant dans le fonc-
personnes à mobilité réduite se renforce au moyen de tionnement que la conception. La végétalisation n’est
rampes aménagées, de couloirs de circulation réser- plus là pour le seul verdissement visuel, mais pour par-
vés et surtout grâce à un agencement intérieur des tager un accès à la biodiversité sur de nouveaux es-
rames adapté à ce public. Les passagers s’attardent paces. La station bio-inspirée se caractérise égale-
plus volontiers dans des stations où le déploiement de ment par un système de ventilation naturelle optimisé,
culture et de commerces est devenu systématique. qui permet de solutionner l’épineux problème des
Certaines acquièrent une envergure multiservices, en particules dans les stations et de leur impact sur la
incorporant des supports de diffusion culturelle (bi- santé. L’exigence d’une bonne hygiène partagée a at-
bliothèques, expositions), quand d’autres se conver- teint le rang de priorité. La dématérialisation des
tissent en galerie d’art, sur le modèle du métro de contrôles d’accès et l’automatisation des ouvertures
Stockholm, dans un souci de confort physique et psy- de portes des rames a réduit les interactions tactiles.
chologique de qui l’emprunte. La station comme hub Des matériaux antibactériens entrent dans les normes
multimodal devient la norme, véritable vecteur de de construction. La station bio-inspirée est connectée
à l’ère du digital. L’empreinte numérique des services
connexion et de fluidité entre le métro et d’autres
Métro en 2035 : trois scénarios moyens de transport, qu’ils soient verticaux (ascen- est intégrée à la recherche de la neutralité carbone. La
volonté politique consentira-t-elle à une refonte aussi
seurs, véhicules volants) ou horizontaux. Aucun hub
pour une station du futur ne va sans sa borne de deux-roues, sans moteur ou ambitieuse ?
électriques. Pilotant ce nœud d’échanges, les sys-
3. Accès et arrêts :
tèmes de management coordonnent à la perfection
toutes les flottes des différents services de mobilité. la fin des stations
Le métro est appelé à demeurer un pilier de la mobilité urbaine. En 2035, la station-ville s’est imposée comme pilier du
Moyen de transport commode et rapide, il constitue la meilleure 2. La station bio-inspirée, maillage métropolitain. Le développement d’un tel mo-
option de desserte susceptible de soutenir le développement des marqueur d’un dèle marque un pas plus radical encore que le déploie-
grandes agglomérations, a fortiori au-devant des défis climatiques. changement d’ère ment d’emplacements multiservices. L’espace souter-
rain s’est mué en monde souterrain, selon une formule
Vecteur de déplacement en commun alimenté par l’énergie L’année 2035 signe l’entrée dans une nouvelle ère. inspirée du sous-sol tokyoïte aux 63 000 sites (et dont
électrique, il apporte la réponse la plus évidente à l’engorgement Aussi souvent annoncée que freinée ou retardée, la 40 % de la surface est reliée au métro) ou du célèbre
automobile générateur de pollution aux particules et d’émissions de transition écologique et énergétique a enfin scellé RESO de Montréal, dégroupé sur 32 km de tunnel.
gaz à effet de serre. Dans son principe même, il cadre avec l’objectif l’urbanité verte. La station de métro devient l’un des Déjà, à Paris, l’extension de l’emprise souterraine de la
symboles du paradigme décarboné et de l’économie
majeur de développement durable. L’attractivité du métro, présente circulaire. Envisagée comme une ville dans la ville, sa station Hôtel-de-Ville avait donné le ton avec son accès
et future, doit beaucoup à l’amélioration de son accessibilité, ainsi conception illustre la démarche « cradle to cradle ». Les direct au sous-sol du BHV Rivoli. Le métro épouse la
ville qu’il dessert. La traditionnelle césure entre espace
que de sa signalétique et de ses systèmes d’information, enrichis matériaux sont tous recyclés et recyclables et la fonc- de vie urbaine et espace de transport s’est abolie d’elle-
grâce aux nouvelles technologies et plus apte à faciliter le trajet tionnalité même de la station peut être modulée sur le même. Les voyageurs modulent leur trajet entre marche
des voyageurs. De même, une exploitation et une maintenance plus souterraine et emprunt du métro selon leur temps. Le
performantes garantissent aujourd’hui une meilleure disponibilité Paola Arellano, concept de station en tant que tel se trouve remis en
responsable pôle architecture, SYSTRA, France
des équipements. Or le métro n’est pas qu’un mode de transport. « Dans le futur, les personnes n’auront plus besoin de se mobiliser au jour cause par la multiplicité des accès offerts par un même
Il est aussi cet espace qui donne corps à une ville et porte une partie le jour et suivant une routine. Les déplacements se feront davantage par ensemble. Là encore, la perspective soulève la question
d’un investissement financier important... Un tel projet
de son identité. À l’horizon 2035, des stations au diapason des TEXTE envie que par besoin. Ainsi, le succès du métro du futur, comme de tout redéfinirait, de surcroît, la place du
transport, dépendra de sa capacité à offrir une expérience enrichissante
évolutions de l’urbanisation et des changements des rythmes de vie Benoît Hervieu-Léger au voyageur. Les stations, première interface entre le passager et le système, sous-sol urbain indépendamment du
pourraient modifier le visage du métro, voire sa définition. ILLUSTRATION devront ainsi répondre à toutes les attentes du voyageur en termes de société métro qui lui donnait sa raison d’être.
Illustration en trois scénarios. Nelson Goncalves et de développement durable. Pour y arriver, elles devront être plus Le voyageur s’y reconnaîtra-t-il ?
flexibles et s’adapter aux nouveaux usages qui sont encore à inventer. »
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