Page 18 - Cahier Les futurs du métro
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Point de vue
Un métro virtuel Une maintenance réinventée
par l’intelligence artificielle
Les capteurs se font progressivement une
au service du réel dans le matériel roulant, pour un suivi au milli-
place sur les équipements entre les stations et
mètre : associées à des algorithmes d’intelli-
gence artificielle, les données qu’ils collectent
ouvrent la voie à une maintenance prédictive
TEXTE Le métro du futur sera aussi virtuel ! La création de son double et préventive plutôt que corrective ou plani-
Benoit Zante numérique offrira une modélisation multidimensionnelle exacte fiée. On parle alors d’Asset Management.
ILLUSTRATION du réseau, évoluant en temps réel grâce aux capteurs connectés « Grâce à l’exploitation des données, la main-
Julie Guillem déployés sur le terrain. Des bureaux d’études jusqu’à la maintenance, tenance prédictive vise à réduire les risques
en passant par les chantiers de construction et l’exploitation des de pannes les plus critiques en même temps
infrastructures, ce métro virtuel aura des impacts bien réels et que le nombre d’interventions. Le matériel
permettra une continuité digitale… À la clé : gain de temps, économies peut ainsi rouler plus longtemps chaque jour,
d’énergie, meilleure fiabilité et expérience réinventée pour l’usager. avec un temps d’immobilisation réduit, ce
qui permet d’augmenter les fréquences avec
une meilleure fiabilité » explique Jessica
Smith, chargée d’études mobilité chez
La virtualisation du réseau, Thomas Juin, directeur du digital, SYSTRA de précieuses données qui servent, en fonction SYSTRA Scott Lister, Australie.
ce n’est plus de la science-fiction « Le métro est un système complexe à dompter et nous avons besoin d’une conception des cas, à surveiller les capacités de stockage sur Le jumeau numérique permet également de
La virtualisation du métro est déjà bien engagée : rigoureusement déterministe pour assurer la sécurité des voyageurs. L’émergence le site, garantir la sécurité des ouvriers ou s’assu- bien préparer les opérations de gros entretiens
les concepteurs des métros de demain travaillent de nouvelles sources de données apporte des outils d’observation et de mesure rer du respect des plannings en suivant l’avancée et renouvellements (renouvellement voie bal-
du comportement réel qui nous aident à mieux caler nos modèles déterministes
déjà à partir de maquettes numériques en utili- de simulation. Ces données nous invitent à l’humilité en mettant en lumière des des travaux au jour le jour, entre autres. last, changement de rail, circuits de voie…) en
sant une plateforme BIM (pour “Building phénomènes non prédictibles ou dont l’explication nous échappe encore. Il ne faut réduisant l’impact sur l’exploitation.
Information Modeling”) agrégeant toutes les don- pas faire de l’exploitation des données une révolte des statistiques dans une « On complète désormais les traditionnels re-
nées du projet. Cet outil est déterminant pour la dictature déterministe. Statistiques et déterminisme doivent travailler main dans levés topographiques par une captation des Pour l’usager,
coordination des différentes parties prenantes, la main au service d’un métro plus économe en énergie, plus sûr, plus efficace. » données bien plus précise, avec des drones, une expérience améliorée
afin de limiter les risques d’erreurs et de retard des capteurs ou des satellites » explique Eric Le centre de contrôle virtuel assure également
sur les chantiers. Dès la phase de conception, ces « Avant, chacun arrivait dans les réunions avec Pruvost, directeur plan transformation BIM une plus grande réactivité au réseau et garantit
outils de virtualisation permettent déjà et per- ses propres outils. Aujourd’hui, grâce au cloud, chez SYSTRA. une meilleure expérience au quotidien pour ses
mettront encore plus à l’avenir de simuler, orga- on peut tous accéder ensemble à la même Une fois l’infrastructure livrée, les plans numé- usagers. Gestion des flux, de la température ou
niser et planifier efficacement les activités de maquette, tester, échanger et choisir les meil- riques, capteurs connectés et maquettes vir- de la luminosité peuvent être optimisés en
construction, d’exploitation et de maintenance. leures solutions » explique Vladana Darras, tuelles ne sont pas abandonnés, au contraire : ils temps réel.
Responsable du déploiement du BIM au sein commencent une nouvelle vie, au service de la
« En travaillant dans un environnement virtuel, du Groupe SYSTRA. maintenance et de l’exploitation des infrastruc- « Des capteurs à l’intérieur et à l’extérieur de
il est possible d’identifier des problèmes qui Ces maquettes numériques ouvrent également la tures. Le réseau peut même s’enrichir d’un « ju- la station peuvent servir à analyser la tempé-
étaient invisibles jusqu’ici. En consacrant da- voie à des gains non négligeables à plus long meau numérique », véritable centre de contrôle rature, la luminosité ou le nombre de per-
vantage de moyens au design, on peut mieux terme, sur toute la durée de vie du réseau, en si- virtuel. sonnes présentes, afin d’optimiser la lumière,
anticiper la suite : passer plus de temps à réflé- mulant virtuellement les performances de l’en- Le jumeau numérique facilite l’intégration d’évo- le niveau sonore, la climatisation ou les infor-
chir en conception coûtera toujours moins cher semble du système de transport dès la phase de lutions futures d’une ligne de métro existante : mations à destination des passagers comme
que corriger des erreurs lors de la construc- conception, en amont des essais. En simulant extension, adaptation du plan de voie, arrivée le positionnement dans les rames » explique
tion. » ajoute Sandra Lang, directeur tech- virtuellement les infrastructures, il est aussi pos- d’un nouveau matériel roulant, automatisation Alan Trestour, directeur général, conseil,
nique chez SYSTRA Scott Lister, Australie. sible de modéliser leur impact environnemental en cours de vie…) et de son environnement direct SYSTRA Australie & Nouvelle-Zélande.
et de déterminer à l’avance leur bilan carbone, ce (bâtiments, autres systèmes de transport). Qu’il s’agisse des dernières lignes sorties de
Modéliser pour mieux collaborer qui s’avère particulièrement utile pour identifier terre ou de réseaux plus anciens, l’installation
et maîtriser les impacts les configurations les plus économes en énergie. Marc Seffacene, directeur des opérations , SYSTRA, Dubaï progressive de ces capteurs vient fournir de
Le BIM s’avère tout aussi utile sur le terrain, lors « Dans les villes tropicales, la quantité d’énergie dédiée aux stations devient précieuses données sur l’utilisation des in-
de la phase de construction, en facilitant la colla- Des capteurs équivalente à celle consommée par les rames. L’enjeu d’optimisation énergétique frastructures. Éclairés par ces
boration des différents corps de métiers qui pour un suivi en temps réel est réel. Tous ces systèmes se doivent de fonctionner avec une parfaite fiabilité, informations inédites, les ges-
doivent travailler ensemble, dans des espaces BIM et maquettes numériques ne sont d’ailleurs et de s’adapter aux flux de passagers, grâce à une supervision constante qui est tionnaires des réseaux peuvent
devenue de plus en plus fine au fil des progrès technologiques : dans les métros
souvent contraints. pas la seule incursion du digital sur les chantiers : les plus modernes, des centaines de milliers de points de mesure de température, optimiser l’existant… et planifier
drones, images satellite, capteurs IoT fournissent de tension, de luminosité, de bruit, sont collectés chaque seconde. » les prochaines extensions.
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