Page 15 - Cahier Les futurs du métro
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à regarder au travers de projets ments des transports en commun l’empreinte carbone de nos diffé- centrique... Cela ouvre un champ
futuristes comme l’Hyperloop ou vers la voiture n’est pourtant ni rents scénarios de conception, intéressant sur l’usage de la res-
les voitures volantes. Nous pou- viable ni souhaitable. La crise ne nous encourageons auprès de nos source foncière et le recyclage de
vons faire évoluer le métro vers doit pas être un frein, un retour clients, dès que cela est possible, l’espace urbain (multiplication des
un modèle d’innovation incré- en arrière dans le cadre de la les solutions techniques (choix de usages, réversibilité des espaces).
mentale : une innovation profi- transition énergétique. matériaux, méthodes construc- Ces futurs possibles posent des
table et vertueuse. tives) qui permettent de limiter les questions de distance, de proxi-
→ Comment faire impacts. Sur certains projets, nous mité, mais aussi de connexité (des
→ Quel sera l’impact alors pour que sommes, par exemple, capables liens entre les différents lieux, ndlr).
sur la vie de la cité les transports en de proposer une économie de Plus que de courtes distances,
si le métro perd une commun soient 10 % de béton sur un viaduc de c’est de composition des échelles
partie de sa capacité des mobilités 20 km, ce qui peut éviter d’émettre dont nous avons besoin et de
6 000 t de gaz à effet de serre, soit
penser la planification urbaine en
de transport ? plus désirables ? l’équivalent des émissions de 600 lien avec l’offre de transport.
M.B. La crise sanitaire de la co- M.B. Il s’agit en premier lieu d’ap- individus sur 1 an (11,9 t d’équiva- Dans leur travail académique sur
vid-19 a occasionné une perte de porter de la simplicité, de la flui- lent CO par personne et par an, la « ville cohérente », les cher-
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capacité de 80 %, qui correspond dité et du confort. Il faut qu’il soit selon les chiffres du gouvernement cheurs Emre Korsu, Marie-Hélène
à la fois à la baisse du niveau de agréable de se rendre d’un point français sur l’année 2016). Massot et Jean- Pierre Orfeuil ont
services et à la diminution de la A à un point B. Cela passe par la Nous veillons également à tirer montré, sur le cas de l’Île-de-
capacité des véhicules à respec- fiabilité et la robustesse du sys- parti du potentiel du système, de France, que si l’on rapprochait les
ter les règles de distanciation tème, son bon dimensionnement, sa conception à sa maintenance, actifs à moins de 30 minutes de
physique. Dans une situation la prise en compte des usages et en passant bien sûr par son exploi- leur bureau, on pouvait faire bais-
comme celle-ci, il faut aplatir la l’interconnexion du métro avec tation, mais aussi par le fonction- ser la circulation automobile due
courbe des transports en dé-den- les autres modes de transport (on nement des stations et des bâti- au travail de 10 % et celle en
sifiant les déplacements et en parle d’intermodalité). ments administratifs. L’ambition transport public de 47 %. Si cette
évitant les pics de fréquentation. Mais on peut aller plus loin : l’an- est de pouvoir, demain, construire vision reste utopique, l’étude a
Cela implique une coordination thropologue urbaine Sonia un métro en maîtrisant l’ensemble soulevé les difficultés liées à la
de tous les acteurs pour modifier Lavadinho disait à juste titre que de ses besoins énergétiques. spécialisation des zones et à une
les horaires de travail, éviter les raisonne pas seulement sur le leurs bien compris. Dans les « quand nous pourrons dire que Nous pourrons également propo- trop forte concentration de l’em-
heures de pointe, reporter les métro lui-même, mais sur sa place zones urbaines, une majorité de notre temps passé dans la rue et ser des fonctions annexes qui gé- ploi.
flux sur d’autres modes de trans- dans un ensemble et sur la ma- trajets courts (500 m à 10 km) les transports est une heure pleine, nèrent une plus-value pour l’envi- Comme le relève Jean-Marc
port, etc. On voit bien ici que la nière dont il s’intègre dans un en- sont encore réalisés en voiture, et une heure bien vécue, nous aurons ronnement et les villes. C’est grâce Offner dans son ouvrage
résilience nécessite l’activation vironnement urbain. Il faut adop- l’autsolisme (utilisation en solo de répondu aux enjeux de la mobili- à cette approche que le métro ne Anachronismes urbains, l’avenir est
de systèmes multi-échelles, com- ter un effet de zoom et de son auto, ndlr) bat son plein. Aux té ». Les espaces du métro peuvent sera bientôt plus seulement une à l’établissement d’un système de
binant la force de chacun pour dézoom en permanence. Plus que États-Unis, 50 % des déplace- être des lieux où la notion du ligne, mais une brique essentielle mobilité fondé sur trois piliers : la
faire réseau. Cette crise sanitaire jamais, la capacité du métro, sa ments réalisés en voiture font temps s’efface, grâce au design, au de nos villes et du vivre-ensemble. marche à pied et les EDP (engins
contraint à imaginer un « système plus-value au service de commu- moins de 10 km et en France, beau et au ludique. de déplacement personnel) pour
global » et à accélérer certaines nautés et de territoires est à envi- seulement 3 % des déplacements → Les temps de les déplacements courte dis-
mutations qui étaient doucement sager en articulation et en com- sont réalisés à vélo, alors que → Le métro a aussi trajet risquent tance ; les transports en commun
à l’œuvre ou qui étaient encore à plémentarité d’autres services et c’est un mode de transport qui a des externalités d’évoluer dans la pour les déplacements massi-
l’état de gestation. Cela oblige à d’autres modes de transport. un débit très élevé. négatives : comment ville du futur : quel fiables, et les transports à la de-
repenser les villes pour le vélo, la Le problème en cas de perte de peut être l’impact mande et l’autopartage pour les
marche et les micro-mobilités, et → Faudrait-il songer capacité de transport du métro, les limiter, voire autres déplacements. Dans un tel
à reconnaître ceux-ci comme des à mieux répartir c’est que son débit de passagers en tirer parti ? sur les usages système, les réseaux s’alimentent
modes de déplacement à part en- les passagers sur est difficilement égalable : un mé- C. C. Chez SYSTRA, nous envisa- du métro ? les uns les autres et s’entraident
tière. les différents modes tro peut véhiculer 60 000 per- geons les potentialités, mais aussi M.B. Il n’y a transport que parce pour apporter des réponses sans
de transport en sonnes par heure. La Direction de les impacts dans leur globalité, à qu’il y a activité. Si nous modifions faille aux attentes des usagers.
C. C. Que ce soit à l’occasion d’une la voirie et des déplacements de l’échelle du projet et sur la durée la manière dont nous localisons
crise ou, plus largement, dans le fonction de leurs la Ville de Paris a ainsi estimé que de vie totale de l’infrastructure. nos activités, nous modifierons
cadre du réchauffement clima- temps de trajet ? si seulement 5 % des 600 000 Nous sommes très attachés à op- alors la façon dont nous construi-
tique et d’une stratégie zéro M.B. Il y a un gisement énorme voyageurs quotidiens de la ligne timiser le cycle de vie de l’in- sons nos villes. Il est beaucoup
émissions, il faut adopter une ap- pour les déplacements de courte 13 prenaient leur voiture, il fau- frastructure et ses interactions question aujourd’hui de concepts
proche écosystémique et rompre distance. Les opérateurs privés drait 4 voies automobiles supplé- avec l’environnement. de ville des courtes distances : la
avec l’approche en silos. On ne de micro-mobilités l’avaient d’ail- mentaires. Reporter les déplace- Par exemple, nous suivons de près ville du quart d’heure, la ville poly-
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